Bonjour. Dans cette session nous allons parler de corps finis, c'est-à-dire de corps qui n'ont qu'un nombre fini d'éléments. Alors jusqu'ici nous n'avons en gros fréquenté que des sous-corps, du corps des nombres complexes. Tous ces corps contiennent le corps des nombres rationnels, donc sont infinis. Cependant, vous savez qu'il existe des corps n'ayant qu'un nombre fini d'éléments, comme par exemple pour chaque entier premier P, le corps F p qui est l'ensemble Z sur p Z muni de l'addition et de la multiplication usuelle. Cependant, nous verrons qu'il existe d'autres corps finis que ceux-ci. Le but de cette session est de construire tous ces corps. Nous verrons plus précisément que pour chaque nombre premier P et chaque entier N strictement positif, il existe un corps de cardinal p puissance n, et que tout corps fini est isomorphe à l'un de ces corps. Hélas la construction n'est pas aussi simple que celle de F p. Revenons donc à ce corps F p qui est l'ensemble Z sur p Z muni de l'addition et de la multiplication. Tout corps à P éléments est isomorphe à F p, puisque tout groupe à P éléments est déjà isomorphe à Z sur p Z muni de l'addition. Cependant il existe d'autres corps finis, alors essayons de mettre une structure de corps sur un ensemble à quatre éléments, que j'appelle 0 et 1, les éléments neutres pour l'addition et la multiplication, et a b. Alors on s'aperçoit rapidement qu'on a pas le choix pour définir l'addition et la multiplication de ces éléments. Les tables correspondantes apparaissent à l'écran. Quelles sont les règles qui ont présidé à l'établissement de ces tables? Et bien pour la table d'addition, on a un groupe. Cela signifie, entre autres, que dans chaque ligne et chaque colonne, tous les éléments doivent apparaître une fois et une seule. Pour la multiplication, 0 multiplié par n'importe quel élément est 0, on obtient donc une ligne et une colonne de 0, et pour les éléments non nuls, c'est la même règle que pour l'addition, on a un groupe, donc chacun doit apparaître une fois et une seule dans chaque ligne et dans chaque colonne. Il existe donc un corps à quatre éléments, unique à isomorphisme près. On le notera F 4. On peut remarquer qu'il est engendré par l'élément petit a, qui vérifie a cube égal 1. Pour vérifier que vous avez bien compris les règles des tables d'addition et de multiplication, nous vous proposons un petit quizz. Alors si de la même façon vous essayez de mettre une structure de corps sur un ensemble à 6 éléments, vous verrez que ce n'est pas possible. Le résultat suivant explique pourquoi cette proposition dit que, si on a un corps fini, sa caractéristique est un nombre premier p et son cardinal est une puissance de ce nombre premier p. Donc la démonstration est la suivante : comme k est fini, sa caractéristique est un nombre premier p, et il contient comme sous-corps F p. On peut ainsi considérer k comme un F p espace vectoriel, nécessairement de dimension finie petit n. En tant que F p espace vectoriel, il est alors isomorphe à F p puissance n, donc son cardinal est p puissance n, ce qui est ce qu'on voulait démontrer. En vue de démontrer pour les corps finis un théorème analogue au théorème de l'élément primitif, nous allons maintenant présenter quelques résultats de théorie des groupes. Commençons par un théorème, démontré par Lagrange, dans le cas d'un groupe de permutation, c'est-à-dire de bijection d'un ensemble fini, lorsqu'il a commencé à étudier, vers 1770, donc avant Galois, les permutations des racines d'un polynôme. Donc le célèbre théorème de Lagrange est le suivant : si G est un groupe fini à n éléments, et que l'on note e son élément neutre, alors pour tout petit g d'un grand G on a g puissance n égal e. Avant de démontrer ce théorème, nous allons introduire quelques définitions fondamentales de la théorie des groupes, en particulier celle de l'ordre d'un élément petit g d'un groupe grand G. Pour cela, je considère les puissances successives de petit g, donc g, g carré, g cube, et cetera, et je définis l'ordre de petit g comme étant le plus petit entier N strictement positif tel que g puissance n égal e. Dans le cas où aucun tel entier N n'existe, je décide que l'ordre est égal à plus l'infini. Si en revanche l'ordre est fini et que je le note petit d, je considère l'ensemble des puissances e, g, g 2 et cetera, g puissance d moins 1, de g, cet ensemble est un sous-groupe de grand G et son cardinal est exactement d. En effet, prenons deux éléments de cette liste, par exemple g puissance m et g puissance m prime, avec m différent de m prime, et supposons qu'ils sont égaux. On a alors g puissance valeur absolue de m moins m prime égal e, et par définition de petit d, valeur absolue de m moins m prime est supérieure ou égale à d. Mais c'est impossible puisque m et m prime sont tous les deux entre 0 et d moins 1. De plus, on a g puissance m égal e si et seulement si m est divisible par d. Inversement, si l'ordre de g est infini, alors les puissances de g, y compris les puissances négatives, sont deux à deux distinctes et le groupe G est infini. Pour démontrer le théorème de Lagrange, nous allons démontrer un résultat plus général qui concerne n'importe quel sous-groupe grand H d'un groupe fini G. Ce théorème est le suivant : je prends G un groupe fini, H un sous-groupe de grand G, alors le cardinal de H divise le cardinal de G. Pour démontrer ce théorème, nous allons écrire grand G comme réunion disjointe de parties qui ont toutes le même nombre d'éléments que H. La conclusion s'en déduit. Ces parties seront les parties que l'on note petit g grand H qui est l'ensemble des produits petit g petit h pour petit h décrivant grand H. C'est un sous-ensemble de grand G qui est en bijection avec grand H donc qui a le même nombre d'éléments. Montrons maintenant que deux de ces parties, disons g grand H et g prime grand H, sont soit disjointes soit confondues. Si elles ont un élément en commun, on peut écrire celui-ci sous la forme petit g petit h, mais aussi petit g prime petit h prime. Ainsi, g est égal à g prime h prime h moins 1, et donc lui-même dans g prime grand H. Pour tout h seconde dans grand H, la formule écrite à l'écran montre que g h seconde est dans g prime H. Ainsi la partie g H est inclus dans g prime H et il y a égalité par exemple parce que ces deux ensembles ont le même cardinal. Les petit g grand H forment donc une partition de grand G en sous-ensembles qui sont tous de même cardinal, le cardinal de H. Le cardinal de g est alors égal au cardinal de H fois le nombre de ses parties. On a bien montré la conclusion du théorème, c'est-à-dire que le cardinal de H divise le cardinal de G. Dans la partie suivante, nous appliquerons ces résultats à l'étude des groupes multiplicatifs des corps finis. Je vous remercie de votre attention.